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Biélorussie : deux journalistes condamnées à deux ans de prison ferme pour un reportage

Biélorussie : deux journalistes condamnées à deux ans de prison ferme pour un reportage

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© Stringer / AFP

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Par Hugo Gabillet

Publié le

La répression bat son plein dans le pays.

Elles s’appellent Daria Tchoultsova et Katerina Bakhvalova et elles viennent d’être condamnées à deux ans de prison ferme. Les deux journalistes biélorusses sont accusées d’avoir fomenté des troubles en couvrant le mouvement de contestation de 2020, nouvelle illustration de la répression orchestrée par le régime.

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Soutenu par la Russie, le président biélorusse Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 1994, s’est efforcé de juguler ce mouvement historique, malgré les condamnations et les sanctions occidentales.

Leur lourde condamnation est la première pour des journalistes depuis le début de la contestation de l’été 2020. Le pouvoir “n’a pas réussi à les briser ou à les intimider. Elles sont libres, malgré tout”, a réagi la cheffe de l’opposition en exil, Svetlana Tikhanovskaïa.

“J’ai montré ces événements à l’antenne, et on me jette en prison pour ça”

Les correspondantes de la chaîne d’opposition Belsat, basée en Pologne, ont été arrêtées le 15 novembre dernier dans un appartement d’où elles venaient de filmer la violente dispersion d’une manifestation d’hommage à un militant d’opposition, Roman Bondarenko, mort quelques jours plus tôt après une arrestation musclée.

Mercredi soir, dans sa dernière prise de parole avant que la cour ne se retire pour délibérer, Katerina Bakhvalova déclarait : “J’ai montré ces événements à l’antenne, et on me jette en prison pour ça, en fabriquant des accusations.” Le Parquet a accusé les deux journalistes d’avoir incité la population à manifester illégalement par leur reportage, ce qui a “porté gravement atteinte à l’ordre public”.

“C’est une situation absurde car les journalistes ne faisaient que couvrir une action de protestation”, a déclaré à la presse son avocat, Sergueï Zikratski, après l’énoncé du verdict. Aleksy Dzikawicki, directeur adjoint de Belsat, a dénoncé sur Twitter une “terreur criminelle”. L’ONG Human Rights Watch a, elle, exhorté les autorités biélorusses à “arrêter de traiter les journalistes comme leurs ennemis” tandis que la présidence polonaise a appelé à une “amnistie”.

Les deux jeunes femmes de 23 et 27 ans ont plaidé non coupables, s’estimant victimes de la répression contre le vaste mouvement de contestation qui a éclaté après la réélection d’Alexandre Loukachenko en août 2020, un scrutin émaillé d’accusations de fraudes massives.

Lors du procès, les deux journalistes, enfermées dans la cage des prévenus, se sont montrées souriantes. Défiant l’accusation, elles ont brandi leurs doigts en V, symbole de victoire et signe de ralliement des détracteurs d’Alexandre Loukachenko, à l’autoritarisme revendiqué.

La police blanchie dans l’affaire Bondarenko

Parallèlement, le procureur général a annoncé jeudi qu’une enquête concernant le décès en novembre de Roman Bondarenko avait blanchi la police. Il est “établi qu’aucun des employés des organes du ministère de l’Intérieur n’a de lien avec les blessures physiques ayant entraîné la mort” du jeune homme, selon un communiqué du Parquet.

Le président Loukachenko a fait face pendant des mois à des protestations sans précédent. Les autorités ont réprimé le mouvement, le réduisant largement au silence à force d’arrestations, marquées aussi par des violences policières et des témoignages concordants de recours à la torture.

Toute contestation est proscrite

Toutes les figures de l’opposition ont été emprisonnées ou condamnées à l’exil, et des milliers de manifestants ont été arrêtés. Depuis mercredi, la justice biélorusse juge pour corruption l’opposant Viktor Babaryko, arrêté en juin alors qu’il émergeait comme le grand rival d’Alexandre Loukachenko en vue de la présidentielle d’août.

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Enfin, une série de 90 perquisitions a encore visé cette semaine une vingtaine de journalistes, de militants associatifs et de responsables syndicaux en Biélorussie, dans le cadre d’une enquête sur le financement et l’organisation des manifestations de 2020. Le ministère de l’Intérieur a annoncé avoir saisi l’équivalent de 80 000 dollars en diverses devises, des tracts indiquant comment résister à la police ou encore des textes liés au mouvement de grève ou “faisant la promotion des valeurs LGBT”.

Selon les autorités, les personnes visées par les perquisitions ont “non seulement fourni un soutien” aux manifestations, mais ont aussi “agi en tant qu’agents étrangers, organisant et finançant des manifestations sous le couvert d’activités de défense des droits de l’homme”.

Cette répression, en cours depuis des mois, a été dénoncée par les pays occidentaux, l’Union européenne et les États-Unis, adoptant des sanctions contre des proches du président biélorusse. Fort du soutien du grand frère russe, Alexandre Loukachenko est resté sourd à ces pressions et s’est félicité d’avoir vaincu la contestation, la qualifiant de “blitzkrieg” occidental la semaine passée, devant un congrès d’apparatchiks.

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Konbini news avec AFP