Covid-19 : Agnès Buzyn mise en examen pour “mise en danger de la vie d’autrui”

Covid-19 : Agnès Buzyn mise en examen pour “mise en danger de la vie d’autrui”

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© Lucas BARIOULET / AFP

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Par Lila Blumberg

Publié le

14 500 plaintes sur la gestion de la pandémie ont été déposées auprès de la Cour de justice de la République.

Brillant médecin nommé en 2017 ministre de la Santé, Agnès Buzyn a vu ses ambitions politiques balayées par sa défaite aux élections municipales à Paris, et doit désormais assumer devant la justice sa gestion du début de la crise sanitaire.

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Agnès Buzyn, 58 ans, a été mise en examen vendredi par des magistrats de la Cour de justice de la République pour “mise en danger de la vie d’autrui”, pour son rôle à la tête du ministère jusqu’en février 2020.

Alors que l’épidémie de Covid-19 déferlait sur le pays, Mme Buzyn avait quitté l’avenue de Ségur pour remplacer au pied levé Benjamin Griveaux, candidat de la majorité à la mairie de Paris éclaboussé par la diffusion de vidéos à caractère sexuel. 

Le début d’un long chemin de croix

Le 17 mars, après le premier tour, elle confie au Monde son désarroi. “Effondrée” et dénonçant la “mascarade” des élections, elle révèle avoir alerté dès janvier le Premier ministre sur la gravité de la pandémie.

Arrivée troisième au second tour, au terme d’une campagne sans éclat, elle n’est même pas élue au Conseil de Paris.

Après avoir remis pendant plusieurs semaines sa blouse de médecin à l’hôpital militaire Percy à Clamart, elle rejoint en janvier dernier l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), à Genève, où elle est chargée du suivi des questions multilatérales.

Le parcours de cette Parisienne née le 1er novembre 1962 s’était jusqu’alors déroulé sous les meilleurs auspices : cheffe de l’unité de soins intensifs d’hématologie de l’hôpital Necker à 30 ans, nommée à la tête de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire à 45, de l’Institut national du cancer à 48, de la Haute autorité de santé à 53, et enfin ministre à 54.

“L’aboutissement de toute ma carrière professionnelle”, reconnaissait l’intéressée.

Après la lumière, la solitude

Propulsée dans la lumière, elle s’impose comme ministre de la Santé avec des choix emblématiques sur le tabac et les vaccins.

Mais bientôt elle doit affronter la colère du corps hospitalier, puis celle des salariés lorsque son ministère est chargé de la réforme des retraites, qui donne lieu à un long mouvement social à l’hiver 2019. La future loi sur la dépendance s’enlise.

Regard bleu et voix fragile, Agnès Buzyn sait faire preuve de fermeté voire d’une certaine dureté.

Quand Yves Lévy, son mari et père de son troisième fils, spécialiste du sida, veut se maintenir à la tête de l’Inserm en 2018 avant de renoncer -, elle se défend des soupçons de conflit d’intérêts d’un abrupt: “Ça ne me regarde pas”.

“La politique, c’est violent, parfois douloureux”, concède-t-elle, “mais quand on a dû annoncer des diagnostics épouvantables à des familles, à des enfants, c’est quand même beaucoup moins grave”.

Beaucoup moins lourd, aussi, que le poids de l’histoire d’une famille de juifs polonais rescapés de la Shoah. Celle de la mère, Etty, cachée par une famille de Justes durant l’Occupation, puis psychanalyste de renom. Celle du père, Elie, survivant de l’enfer d’Auschwitz, devenu chirurgien orthopédique.

“Quand des gens ont enduré ce qu’ils ont enduré, ça donne une autre échelle des valeurs”, expliquait-elle. “Quand ça va mal, je dis toujours à mes équipes ‘Est-ce que quelqu’un va mourir à la fin ?'”.

Le cuir s’est encore endurci au contact de Simone Veil, dont elle épousa le fils Pierre-François, avec qui elle eut ses deux premiers fils.

“J’avais pour elle une immense admiration”, confessait-elle à l’été 2018, lors de l’entrée de la grande dame au Panthéon.

Elle évoquait alors “un passage de relais” avec l’icône du droit à l’avortement, ministre de la Santé à deux reprises et première présidente du Parlement européen.

La tentation de Bruxelles avait d’ailleurs été très forte en 2019. “Elle a été approchée par plein de gens, ça a résonné par rapport à son histoire et à ses convictions”, racontait un haut fonctionnaire.

Aujourd’hui, l’ancienne ministre doit affronter la justice dans une certaine solitude, même si les poursuites dont elle fait l’objet suscitent “de la gêne”, selon le mot du numéro un de la CFDT.

“C’est facile de refaire les matchs 20 mois après et de dire ce qu’il aurait fallu faire”, a dit Laurent Berger au micro de France Inter. “C’était quand même une situation très inédite”.

Konbini news avec AFP