États-Unis : des scientifiques mettent au point de la viande à partir de cellules humaines

États-Unis : des scientifiques mettent au point de la viande à partir de cellules humaines

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Par Lisa Drian

Publié le

Un kit, qui n'est encore qu'un prototype, permet de récolter sa salive et donc ses cellules pour créer sa propre viande.

Imaginez un monde où la viande animale telle qu’on la connaît n’existerait plus et serait remplacée par de la viande artificielle à base de cellules humaines que vous aurez créée vous-même, avec en prime une meilleure traçabilité. Des chercheurs américains ont créé un steak à partir de cellules humaines prélevées à l’intérieur des joues.

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Ils ont mis au point un kit – qui n’est pour le moment qu’un prototype –, pour se frotter l’intérieur des joues afin de récupérer ses propres cellules. Elles devront ensuite être conservées, au chaud pendant trois mois dans du sérum de sang humain expiré, explique The Science Times. Et cette viande recréée de toutes pièces porte un nom : ” The Ouroboros Steak”, en référence au symbole égyptien du serpent qui se mord la queue.

Entre projet artistique et scientifique

Le projet, qui n’est certes pas très ragoûtant, est à mi-chemin entre la démarche artistique et scientifique. Des prototypes ont d’abord été exposés au musée des Arts de Philadelphie. Si vous voulez voir le projet grandeur nature, quelques morceaux de ce steak d’un nouveau genre sont actuellement exposés au Design Museum de Londres, ils ont été sélectionnés dans le cadre du Beazley Designs of the Year.

Le projet a été pensé pour répondre à de nombreuses critiques qu’essuie la viande in vitro, cultivée en laboratoire. La viande artificielle est parfois élaborée à partir de sérum de sang de fœtus bovin, ce qui nécessite “d’abattre des vaches gestantes pour arriver à prélever le sérum du veau”, explique Marie-Pierre Ellies-Oury, ingénieure agronome, docteure en sciences animales de l’université de Bourgogne et chercheuse-associée à l’Inrae, également responsable de la spécialisation “Filières animales durables” à Bordeaux Sciences Agro. Ainsi, utiliser des cellules humaines et du sérum de sang humain qui ne sert plus éviterait cette souffrance animale.

Contactée par Konbini news, Marie-Pierre Ellies-Oury précise cependant que “les entreprises qui travaillent sur la viande artificielle sont arrivées à reconstituer un sérum qui permet l’accroissement des cellules sans sérum bovin. Plusieurs start-up du milieu ont déjà trouvé un palliatif”, ce qui mettrait à mal l’argument mis en avant par le projet The Ouroboros Steak.

Impensable sur le plan éthique

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Une question cruciale perdure quant à ce projet et reste sur toutes les lèvres : celle de l’éthique. Selon une des créatrices du Ouroboros Steak, il ne s’agirait pas “légalement” de cannibalisme rapporte Slate. Mais pour l’ingénieure agronome, cela ne fait aucun doute :

“Les prélèvements sur des cellules humaines et la culture de cellules humaines, sauf pour des aspects de reconstitution de tissus, est quelque chose qui est n’est pas envisageable du point de vue de l’alimentation. Dans l’état actuel des choses, vu comment fonctionne le comité d’éthique, je n’imagine même pas qu’en 2050 ce soit étudié. Il y aura beaucoup d’autres pistes qui seront envisagées d’ici là, notamment la viande artificielle, mais à partir de cellules animales. On ne peut pas partir d’une cellule humaine.”

Un projet qui ne passe pas au niveau éthique pour Marie-Pierre Ellies-Oury, qui compare cette expérimentation à celle du clonage. “C’est très réglementé et ce sont des choses impossibles à faire”, affirme-t-elle. Quant à la commercialisation d’un tel prototype, n’en parlons pas. Cette “viande œuvre d’art” n’est, pour l’heure, pas prête de se retrouver dans les rayons de supermarchés. “Déjà pour la viande artificielle issue d’animaux, il va falloir faire évoluer les mentalités pour arriver à la commercialiser”, alors pour une viande faite à partir de cellules humaines, l’idée paraît pour le moment complètement saugrenue. D’autant plus que la “digestibilité” pourrait s’avérer difficile reconnaît l’ingénieure.

De la viande artificielle bientôt dans nos assiettes ?

En revanche, de la viande artificielle créée à partir de cellules animales pourrait bien être commercialisée en France dans un futur proche et arriver dans nos assiettes. “Depuis le 11 novembre, il y a un restaurant en Espagne qui a ouvert et qui propose de la viande de culture. Donc, le développement de la viande de culture a une échéance qui est très proche, les avancées sont importantes. L’entreprise Gourmey en France avait annoncé qu’elle serait en capacité de faire du foie gras d’ici 2022″, explique l’ingénieure. La viande créée à partir de cellules humaines pourrait donc bien en rester au stade de prototype et d’œuvre d’art, et ce n’est peut-être pas plus mal.