Éducation sexuelle : sexologue absent, Google en remplaçant ?

Éducation sexuelle : sexologue absent, Google en remplaçant ?

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© mjrodafotografia via Getty Images

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Par La Zep

Publié le

Norah, 15 ans, regrette d’avoir dû se tourner vers Internet pour trouver des réponses à ses questions d’ado.

J’ai eu mon premier vrai petit copain à 14 ans. Et qui dit premier copain dit premier réel bisou. Je ne savais pas du tout comment m’y prendre. Langue ? Pas langue ? Est-ce qu’il faut la tourner ? J’étais perdue, donc j’ai voulu trouver des réponses à mes questions.

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Je n’allais pas demander à mes parents (tout simplement parce que ce sont mes parents !) ou à mes amis. Ils l’avaient tous fait et je pensais qu’ils allaient se moquer de moi. Se moquer parce que j’étais “en retard” par rapport aux autres. Je sentais une espèce de pression, que je m’étais inventée. Je n’ai donc pas eu le choix, et me suis tournée vers Internet.

J’ai suivi leurs conseils et c’était encore mieux

Je suis tombée sur des vidéos douteuses avec des gens qui s’embrassent de manière écœurante et choquante, ou des témoignages sur YouTube. Mais en aucun cas ils n’expliquent comment faire. J’ai donc laissé tomber.

Le moment fatidique arriva. C’était moins pire que ce que j’avais pensé. C’était même agréable et naturel. J’étais très stressée, et je pense que mon copain l’a ressenti, mais c’est lui qui a pris les devants et je me suis laissée aller. Quand on a terminé, j’étais soulagée de ce poids sur mes épaules.

Comme j’étais plus à l’aise, j’en ai parlé à mes amis qui m’ont expliqué comment faire. À ma grande surprise, ils ne se sont pas du tout moqués de moi. Ce n’était pas exactement ce que j’avais fait, mais les prochaines fois, j’ai suivi leurs conseils et c’était encore mieux.

J’ai fait la même erreur que la première fois : chercher sur Internet

Après cinq mois ensemble, les questions sont revenues. J’avais 15 ans. Cette fois sur un sujet encore plus tabou que les baisers langoureux : le fameux sexe. Surtout que je suis en retard par rapport à mes amis. J’ai l’impression qu’ils me voient comme la petite fille sage de service qui n’ose rien faire. Et je sais que mon copain en a envie. Ses amis me l’ont rapporté.

Je veux le faire pour être comme mes amis, pour arrêter de psychoter à propos du regard qu’ils ont envers moi, et pour faire plaisir à mon copain, de peur qu’il me quitte. Je sais que c’est totalement débile de raisonner comme ça, mais j’en ai marre de me prendre la tête.

J’ai fait la même erreur que la première fois : je n’en ai pas parlé à mes amis, ni à quelqu’un de confiance. J’ai encore cherché sur Internet parce que j’ai tout simplement peur de faire n’importe quoi. “Est-ce qu’il faut que j’enlève tous mes vêtements ?”, “Je dois me mettre au-dessus ?”, “Est-ce qu’il faut que je le laisse faire ?”

J’aurais aimé avoir des sites questions/réponses

Il y avait des vidéos pornographiques qui ne reflètent pas du tout la réalité, comme me l’a dit un copain. D’ailleurs, lui s’attendait à beaucoup mieux quand il l’a fait. Je n’ai même pas voulu regarder… Enfin, je suis tombée sur l’une d’elles, mais c’était un accident.

C’était en allant sur un site de vêtements, et ça m’a emmenée sur une autre page où j’ai vu des choses qui m’ont limite traumatisée, parce que c’était violent et juste… c’était beurk. Sinon, encore des témoignages sur YouTube. Cette fois-ci, il y en avait beaucoup plus que pour le premier bisou, mais toujours pas de réponses à mes questions. Je n’ai donc pas voulu le faire… jusqu’à ce jour.

J’aurais aimé avoir des sites de questions/réponses, des sexologues dans l’école, comme dans Sex Education, ou des vidéos qui expliquent comment faire avec des mots et non pas avec des images. Il y a un tabou sur ces sujets : on n’en parle pas assez, donc on n’a pas de moyen de savoir comment s’y prendre.

Norah, 15 ans, collégienne, Neuilly-sur-Seine

Ce témoignage provient des ateliers d’écriture menés par la ZEP (la zone d’expression prioritaire), un média d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans, qui témoignent de leur quotidien comme de toute l’actualité qui les concerne.