Ménage, petits déjeuners, clients ivres ou odieux : standardiste à l’hôtel, je dois tout gérer

Ménage, petits déjeuners, clients ivres ou odieux : standardiste à l’hôtel, je dois tout gérer

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Image d’illustration : © Maskot via Getty Images

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Par La Zep

Publié le

Margot travaille tous les week-ends en parallèle de ses études. Ce job l’éloigne de ses proches, et de la vie étudiante dont elle rêvait.

Un mois après la rentrée, j’ai commencé à travailler comme réceptionniste dans un hôtel à Rennes. Mon job consiste à gérer le petit déjeuner, les appels, les réservations, et à nettoyer la cuisine et la salle. Après, je monte dans les étages et je m’occupe des chambres pour les rendre disponibles. Je travaille le samedi et le dimanche, de 7 heures à 14 heures. Je déteste ce boulot.

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Quand je travaille, je suis seule à l’hôtel. J’ai une responsabilité assez importante sur les épaules, mais ce n’est pas ce qui me dérange le plus. Gérer les individus qui arrivent totalement ivres à l’hôtel, les personnes odieuses et aigries au téléphone, ça, ça me dérange. Parce que devoir me battre avec les gens pour faire régner l’ordre, ça me fatigue. De savoir ce qui m’attend en allant travailler, ça me fatigue.

Trop de pression, trop d’isolement

C’est trop de responsabilités : je veux dire, trop à côté des études que je m’inflige. La pression me fait beaucoup de mal. Le week-end dernier, j’ai dû appeler les pompiers pour une dame. Je l’ai retrouvée par terre dans un couloir, les poignets scarifiés, en sang, en train de convulser. J’étais seule dans l’hôtel, et j’ai tellement paniqué que j’ai été prise de vomissements le reste de la journée. Je suis très sensible.

Et ça a été une sorte de déclic. Je me suis dit : “Ça suffit, je ne peux plus, j’ai mieux à faire.” Il suffirait sûrement de changer de travail. Mais ce n’est pas seulement ça, c’est aussi la solitude et le “trop de pression”, l’éloignement. Même à l’école, je m’isole.

Je suis devenue une machine

Je me prive d’énormément de choses. Que ce soit le vendredi, le dimanche ou en semaine comme j’en avais l’habitude, je ne sors plus. Je ne vois plus ma famille, mes amis. J’ai l’impression que je suis constamment en marche, comme une machine qui est toujours fonctionnelle.

Je ne sais pas si c’est mental ou physique, mais je suis en état de grosse fatigue et j’ai toujours l’impression de manquer de sommeil. Je suis en plein craquage et je commence à me poser des questions sur ce qu’il y a de meilleur pour moi. Malgré tous les efforts et les sacrifices que je me force à faire, j’ai l’impression d’être efficace ni au boulot, ni à l’école, et surtout, que mon mental ne suit pas.

Je ne me sens pas tellement vivante, et j’ai toujours cette fâcheuse impression de passer à côté de certains moments de convivialité, comme les repas de famille, les sorties entre filles, ou faire la fête tout simplement. Les petites choses simples que les jeunes adorent faire. Et ça me pèse.

La face cachée de l’indépendance

Le plus dur dans tout ça, c’est le fait de ne plus du tout voir ma famille. C’est contradictoire. J’étais trop enjouée à l’idée de vivre seule, mais finalement, j’aimais bien vivre chez moi et être entourée. Là, je suis toujours toute seule chez moi, ce n’est pas amusant.

Travailler me permet de gagner de l’argent et de me procurer des petites choses, décorer mon appartement, m’acheter plein de vêtements… tout ce que je souhaitais, au final. Mais je ne sais pas si ça vaut le coup. Je ne donne pas le maximum de mes capacités en classe et je ne prends jamais le temps de réviser correctement. Ce n’est pas le but. Si je travaille, c’est à côté de mes études, mais il ne faut pas que ça les impacte.

Une vie étudiante idéalisée

Je ne pense pas que je vais garder ce boulot, du moins pas pour longtemps. Ce n’est pas bon, ça ne vaut pas le coup. Je ne me sens pas bien, loin de tout le monde et privée de tout. Ce n’était pas cette vie-là que j’attendais tant.

Je pensais pouvoir faire l’équilibre entre le travail et l’école. Mais je n’y arrive pas. Je pensais pouvoir facilement vivre éloignée de tout le monde. C’est très dur. Je pensais que gagner mon propre argent me rendrait heureuse. Effectivement. Mais les conséquences me rendent triste, et très à cran. J’étais très motivée à l’idée de travailler en même temps qu’un nouveau BTS, mais aujourd’hui j’ai perdu toute motivation, quoi que j’entreprenne.

Je ne sais pas s’il s’agit de caprices, je ne pense pas. Je crois surtout que j’ai trop idéalisé ce monde-là, la vie étudiante, et que j’en suis totalement déçue. Et je pensais aussi avoir les capacités pour jongler entre un petit boulot et l’école afin de m’offrir de belles choses, mais je n’en ai pas forcément la force.

Margot, 19 ans, étudiante, Rennes

Ce témoignage provient des ateliers d’écriture menés par la ZEP (la zone d’expression prioritaire), un média d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans, qui témoignent de leur quotidien comme de toute l’actualité qui les concerne.