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Non-vacciné·e·s, leur quotidien à l’ère du pass sanitaire

Non-vacciné·e·s, leur quotidien à l’ère du pass sanitaire

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© FREDERICK FLORIN / AFP

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Par Clothilde Bru

Publié le

Témoignages croisés de Français·es sans passeport vaccinal.

Depuis sa mise en place le 9 juin dernier, le pass sanitaire n’a eu de cesse d’être étendu à de nouveaux secteurs et événements recevant du public. Pour rappel, il s’agit de l’attestation d’un schéma vaccinal complet, ou d’un test PCR ou antigénique négatif effectué il y a moins de 72 heures pour l’un et moins de 48 heures pour l’autre.

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Stades, restaurants, bars, cinémas, centres commerciaux… Pour accéder à un nombre croissant de lieux, voire simplement pour travailler, les plus de 18 ans doivent présenter un pass sanitaire valide. Depuis ce lundi 30 août, il est ainsi obligatoire sur le lieu de travail de près de deux millions de salariés.

Au 1er septembre 2021, la France comptait environ 72 % de primo-vaccinés et 66 % de la population pouvait se targuer d’avoir un schéma vaccinal complet, selon les données du ministère de la Santé. Pour autant, selon un récent sondage EcoScope réalisé par OpinionWay pour Les Échos, on estime qu’environ 16 % des Français n’ont “pas l’intention de se faire vacciner”.

En théorie, pour ceux-là, reste la possibilité de multiplier les tests PCR ou antigéniques pour garder une vie normale. Mais, outre leur inconfort, ces derniers ne seront plus remboursés dès le 15 octobre prochain.

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Ça promet donc de se corser pour les Français non vaccinés. Faux pass, reconversion professionnelle, loisirs… Comment vit-on à l’ère du pass sanitaire lorsqu’on est un Français non vacciné ? Et surtout, comment voit-on l’avenir ? Rencontre avec des irréductibles.

Faux pass

Adrien*, 31 ans, conseiller de clientèle dans une banque à Marseille, nous avoue avoir été pris de court par la généralisation du pass sanitaire. “Que ce soit obligatoire pour aller dans les stades, à des concerts… dans tous les endroits où il y a beaucoup de monde, je comprends. Mais pour aller dans les bars et les restaurants, je ne pensais pas”, confie-t-il à Konbini news.

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À tel point qu’aujourd’hui, c’est quasiment pour dénoncer la forme plutôt que le fond de l’affaire qu’il refuse de se faire vacciner. “Ce n’est pas que je ne veux pas être vacciné, c’est plus comment le gouvernement a procédé qui me déplaît”, précise-t-il.

Passionné de vélo et d’escalade, le trentenaire originaire du Sud-Ouest n’est pas vraiment embêté côté loisirs. Pour le reste, Adrien privilégie désormais les pétanques et les apéros sur la plage. Et lorsqu’il s’agit de sortir dans les bars et les restaurants, il a une parade.

“Je fais des tests PCR et antigéniques, par exemple, pour aller au stade, ou de temps en temps dans un bar. J’ai aussi un faux pass sanitaire, mais je ne l’ai utilisé qu’à deux ou trois reprises”, précise le jeune homme. Difficiles à quantifier, ils sont nombreux, comme Adrien, à utiliser le passeport vaccinal d’un·e ami·e.

Dans la plupart des cas, le trentenaire accepte de se faire tester en amont d’un événement, comme le week-end passé où il s’est rendu au Delta Festival. Mais tout pourrait bien changer lorsque les tests vont devenir payants. “On verra, ce sera peut-être le moment où il faudra que je me fasse vacciner”, concède Adrien.

Attendre que la folie “pass”

À l’inverse, pour Émilie, retraitée de 65 ans qui habite à la campagne quelque part dans le Sud-Ouest, la fin de la gratuité des tests ne changera rien. “Quoi qu’il en soit, je ne ferai jamais de tests pour aller dans un de ces endroits-là”, nous explique la sexagénaire, pour qui toutes ces mesures sont complètement disproportionnées.

“Je ne nie pas qu’il y a un virus, ce n’est pas la question, mais je trouve la réponse excessive”, précise cette ancienne infirmière. Elle et son compagnon ne sont pas vaccinés et “ils vivent très bien comme ça”.

“Comme je ne suis plus en vie active, j’ai moins d’obligations. Ensuite, on fait des choix différents, on va se balader dans la nature plutôt que d’aller dans les centres. Pas de restaurants, pas de bars, mais on les traverse comme les terrasses sont ouvertes. C’est un peu le côté absurde de la chose”, raconte-t-elle à Konbini news.

© Christophe Simon/AFP

Quant à savoir comment cette décision passe auprès de ses proches, Émilie assure que tout le monde est très compréhensif : “Même si tous mes enfants sont vaccinés par obligation professionnelle, ils restent respectueux de notre choix. Après, avec certaines connaissances, ça met de la distance, c’est sûr.”

Et en attendant que “la folie passe”, Émilie invite les potes à la maison.

Un changement de carrière “pour être tranquille”

Mélodie* est moins optimiste sur le temps que va durer cette situation. La jeune femme de 24 ans, qui habite Lorient, a carrément changé de métier pour échapper aux restrictions du pass sanitaire. Elle a un discours nettement plus radical qu’Adrien ou Émilie. “Il y a des gens malades, je n’en doute pas. Mais pour moi cette histoire de corona, c’est pour l’argent et tout ce qui est labo pharmaceutique et compagnie”, assure la jeune femme.

Avant la pandémie, elle était étudiante en BTS gestion de la PME, et elle a obtenu son diplôme. Elle a préféré laisser tomber à cause du pass sanitaire. “Tôt ou tard, le secteur dans lequel j’ai été formée demandera le vaccin parce qu’il y a de l’accueil public”, explique-t-elle.

Formée à être assistante de gestion, la jeune femme se retrouve intérimaire en agroalimentaire. Une décision qui n’est pas isolée, selon la jeune femme. “J’ai plusieurs collègues qui ont quitté leur boulot à cause de la vaccination aussi. Elles sont aides-soignantes et du coup, elles se retrouvent à l’usine”, assure-t-elle. Pour rappel, la vaccination est obligatoire pour de nombreuses professions liées au médical.

Si le pass venait à être étendu, pour Mélodie, ça ne changerait rien. La jeune femme est entourée d’amis qui voient les choses comme elle. “Je vivrais avec ce que j’aurais, des produits locaux, les gens qu’on connaît. On se soutiendra entre nous”, imagine-t-elle.

Contrairement à Adrien, la jeune femme n’a pas de faux pass et elle est fermement opposée aux tests – elle n’en a jamais fait. Pour ses déplacements, elle privilégie son propre véhicule et les covoiturages. Et pour les sorties ? “On fait venir le bar à la maison”, s’amuse-t-elle.

Mais la jeune ne perd pas espoir de retourner un jour à son véritable métier : “Je suis allée en agroalimentaire pour être tranquille, mais dès que cette histoire de vaccins se calme, je voudrais repartir dans la voie dans laquelle j’étais.”

Reste à savoir quand. À l’origine, le pass sanitaire devait se terminer le 15 novembre prochain. Mais ce jeudi matin, le président de la République a laissé entendre que sa mise en œuvre pourrait être reconduite dans les territoires sous forte pression épidémique.

Que le pass soit toujours en vigueur ou non dans les mois qui viennent, Mélodie redoute qu’à l’avenir, une différence soit faite entre les personnes vaccinées et non vaccinées.

*Le prénom a été modifié.