Polémique autour du secret de la confession : Éric Dupond-Moretti rappelle la loi

Polémique autour du secret de la confession : Éric Dupond-Moretti rappelle la loi

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Eric Dupond-Moretti © Antoine de Raigniac / Hans Lucas via Reuters

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Par Astrid Van Laer

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Les associations de victimes déplorent "une polémique qui détourne du sujet principal : le chiffre astronomique de victimes."

Vendredi, le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti a fixé le cadre juridique du secret de la confession après les propos polémiques du chef de l’épiscopat, en affirmant “l’impérieuse nécessité” pour les prêtres d’alerter sur les faits de pédocriminalité en cours.

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“Si un prêtre reçoit dans le cadre de la confession, soit d’une victime, soit d’un auteur, la connaissance de l’existence de faits qui se déroulent […] alors il a l’impérieuse obligation de mettre un terme à ces faits”, a déclaré le ministre de la Justice sur LCI.

“Si [le prêtre] ne le fait pas, il peut être condamné ?”, a-t-il été interrogé. “Il doit l’être, cela s’appelle non-empêchement de crime ou de délit”, a répondu Éric Dupond-Moretti.

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Les prêtres “peuvent alerter les autorités ou utiliser tout autre moyen qui permettrait d’y mettre fin”, notamment en prévenant les proches des victimes présumées, a précisé à l’AFP l’entourage du ministre.

Le garde des Sceaux a rappelé ces consignes dans une note envoyée vendredi aux procureurs. Il les y invite à “procéder systématiquement à l’ouverture d’une enquête préliminaire, y compris pour les faits susceptibles d’être prescrits”, comme le prévoit la loi contre les violences sexuelles sur les mineurs d’avril 2021.

Cette mise au point intervient deux jours après les déclarations du président de la Conférence des évêques de France (CEF), Mgr Eric de Moulins-Beaufort, qui a estimé que le secret de la confession était “plus fort que les lois de la République”.

Ses propos, dans la foulée du rapport Sauvé qui a jeté une lumière crue sur l’importance des faits de pédocriminalité dans l’Église catholique de 1950 à nos jours, ont suscité une vive controverse et lui ont valu une convocation à venir s’en “expliquer” mardi prochain avec le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.

La commission Sauvé préconise que les autorités de l’Église relaient un message clair sur l’obligation faite au confesseur de signaler aux autorités judiciaires et administratives les cas de violences sexuelles sur un mineur ou une personne vulnérable.

“Une polémique indigne du moment qu’on vit”

Vendredi, plusieurs associations de victimes ont exprimé leur lassitude voire leur indignation face aux propos de l’épiscopat. C’est une “polémique qui détourne du sujet principal, qui est le chiffre astronomique de victimes”, a déclaré Camille de Metz-Noblat, responsable du collectif Comme une mère aimante.

La commission Sauvé a estimé mardi à 216 000 le nombre de mineurs victimes de prêtres, diacres et religieux depuis 1950, un nombre qui grimpe à 330 000 si on y ajoute les personnes agressées par des laïcs travaillant dans des institutions de l’Église.

“Contredire l’analyse [de la commission Sauvé] en quarante-huit heures après un rapport qui laisse un parfum de crime contre l’Humanité annonce un terrible naufrage de l’institution catholique”, estime François Devaux, cofondateur de La Parole libérée, à l’origine des affaires Preynat et Barbarin, aujourd’hui dissoute.

Pour Véronique Garnier, du Collectif Foi et Résilience, “cette polémique est indigne du moment qu’on vit”. “Est-ce plus important que les victimes ? Non ! Aujourd’hui, la dignité, c’est d’accueillir la gravité du moment, c’est de pleurer tous ces enfants, enfants de chœur des petits séminaires, des colonies de vacances… qui ont eu la vie brisée”, ajoute-t-elle, se disant “déroutée par l’attitude de l’épiscopat”.

“Je suis très triste de voir que ces deux ans et demi de travail, que ce rapport soit autant pris à la légère, en déclamant des propos à l’emporte-pièce au lendemain de sa remise”, juge Olivier Savignac, de l’association Parler et revivre. “Les évêques, par la voix d’Eric de Moulins-Beaufort, ont révélé leur vrai visage”, déplore-t-il, “ils ne sont pas prêts à un bouleversement total comme on pourrait l’attendre”.

“Laissez penser que les enfants arrêteraient de venir parler à l’Église si le secret était levé, ça ne tient pas la route”, estime Nathalie Bajos, membre de la commission Sauvé. “Ce qui est important, c’est qu’un agresseur puisse être arrêté tout de suite”.

Konbini news avec AFP